Après un week end très chargé et très pluvieux, hier soir, je suis tombée sur un de mes films cultes, "L'Amant" de JJ Annaud... Un chef d'oeuvre du genre...
Et à chaque fois, c'est la même magie qui opère... Je me laisse absorber par cette histoire magnifique, douloureuse et vécue par Marguerite Duras durant sa jeunesse en Indochine....
Bon ok, abordons le sujet crûment: il y est beaucoup question de sexe, d'érotisme, de relations physiques entre les deux protagonistes. Et alors? Les scènes sont superbement tournées, les corps sont beaux et derrière tout cela, il y a des sujets dramatiques: le racisme, les interdits dans les sociétés et un amour impossible.
Marguerite Duras n'a pas aimé le film. Elle n'y retrouvait pas le message qu'elle voulait faire passer dans son livre. Mais je l'ai lu ce chef d'oeuvre de la littérature contemporaine et je trouve que le film, tout en omettant certains aspects de sa vie, en retrace bien les grandes lignes.....
La lecture du livre, après avoir vu le film à sa sortie, m'a encore plus bouleversée... La magie des mots, sans doute...
Car les mots sont recherchés, profonds, exprimant tour à tour les sentiments de l'héroïne.... Et à tous les passages où elle se défend de l'aimer, succède les passages où elle s'effondre, anéantie par un amour qu'elle a toujours voulu nier... Contrairement à lui.... Fou d'amour, qui ne s'en cache guère, mais happé par un mariage forcé et intéressé....Et c'est ce qui me touche: un amour défendu, consommé par des relations physiques, comme pour tout oublier.... Le reste n'est qu'accessoire: les familles (consentante par appât du gain pour elle, révoltée par racisme pour lui), le contexte culturel (la migration des colons vers leur pays d'origine), les traditions ancestrales mais très présentes....
A la beauté de tout cela, le charme des paysages, même hostiles sous des pluies diluviennes, opère: on aimerait y être, découvrir ses ruelles insalubres, ces garçonnières complaisantes.....
Ajouter à cela des acteurs exceptionnels, Tony Leung, divin, et Jane March, sublime de sensibilité et de retenue, et vous obtiendrez un monument du cinéma français.... Peu importe ce qu'en disent les critiques et les réticents... Et à ceux qui n'y voient qu'un vulgaire film de c..., je réponds que leur sensibilité s'arrête à ce niveau là... C'est-à-dire pas très haut....
"L'Amant" est un film d'amour. Point.
Voici deux passages qui m'émeuvent :
"(...) il s'est produit dans le grand salon principal l'éclatement d'une valse de Chopin (...) Et la jeune fille s'était dressée comme pour aller à son tour se tuer, se jeter à son tour dans la mer et après elle avait pleuré parce qu'elle avait pensé à cet homme de Cholen et elle n'avait pas été sûre tout à coup de ne pas l'avoir aimé d'un amour qu'elle n'avait pas vu parce qu'il s'était perdu dans l'histoire comme l'eau dans le sable et qu'elle le retrouvait seulement maintenant à cet instant dans la musique jetée à travers la mer."
"Des années après la guerre, après les mariages, les enfants, les divorces, les livres, il était venu à Paris avec sa femme. Il lui avait téléphoné. C'est moi. Elle l'avait reconnu dès la voix. Il avait dit: je voulais seulement entendre votre voix. (...) Et puis il n'avait plus su quoi lui dire. Et puis il le lui avait dit. Il lui avait dit que c'était comme avant, qu'il l'aimait encore, qu'il ne pourrait jamais cesser de l'aimer, qu'il l'aimerait jusqu'à sa mort."